Une pensée malade. C'est à quoi vont devoir se confronter tous les personnages de L'École des femmes. Il leur faudra la briser s'ils ne peuvent la guérir Arnolphe fait un songe, rien de ce qu'il vit n'a d'existence réelle, ni le théâtre fantasmatique qu'il a planté au-dessus d'un monde imaginaire et qu'il faut escalader pour tenter de l'atteindre, ni les personnes qu'il prétend asseoir à son projet autoritaire ; Agnès n 'est pas - ou n'est plus - la jeune sotte inconsciente dont il rêve, elle a commencé à grandir avant même que la pièce ne commence, c'est une femme amoureuse, son innocence est devenue sagesse,sa force est celle d'une liberté conquise, elle l'impose avec douceur et cruauté, de scène en scène, à celui qu'elle voudrait rendre lucide et tolérant, autant pour elle-même que pour lui.
Horace n'est pas non plus le jeune étourdi tombé sur le chemin d'un propriétaire jaloux, c'est un amoureux lucide : chaque mot prononcé au cours des récits dont il vient torturer l'orgueil blessé de son rival, est fait pour ramener à la réalité son esprit égaré. Comme le fou s'abrite derrière sa folie pour dire la vérité au roi, Horace se sert du quiproquo pour énoncerle vrai devant celui qui ne veut pas entendre : le coeur et le corps d'Agnès sont pris, celui qui prétend les détenir est un fou dérisoire.
Ainsi l'action qui se déroule sur la scène imaginaire qu'Arnolphe croit maîtriser est avant tout mentale : il s'agit de combattre et si possible de guérir. Et si la fin de la pièce peut se révéler amère malgré un "happy end" conventionnel, c'est qu'après avoir forcé Arnolphe à les regarder pour ce qu'ils sont, après s'être donné tant de mal à fabriquer une intrigue dont chaque détour est un outil pédagogique destiné à son éducation, il faudrait encore qu'il consente à panager avec eux l'évidence et la vérité de la vie, il faudrait qu'il bascule de leur côté. Il se perd au contraire : le solitaire retourne