Avec le soutien de la municipalité d'Aubervilliers, du Conseil Général de la Seine-Saint-Denis et de l'État, je viens d'être nommé pour trois années supplémentaires à la direction du Théâtre de la Commune par Monsieur Renaud Donnedieu de Vabres, Ministre de la Culture et de la Communication. Je les remercie d'avoir porté un regard attentif sur mon travail et de m'avoir renouvelé leur confiance.
Je remercie aussi tous ceux - amis, artistes, techniciens, ouvriers et employés - qui, depuis 1997, date de ma première nomination, m'ont aidé sur scène et autour de la scène à construire l'action artistique de cette maison et à en faire, malgré la modestie de nos moyens, un grand théâtre de banlieue réputé et admiré des gens de notre profession, aimé du public et des artistes qui s'y rencontrent pour partager l'émotion et le plaisir d'un art dramatique populaire.
Trois ans donc pour approfondir et développer un projet fondé sur ma certitude que là où nous sommes, là où la peur, la violence, la colère, l'amertume, sont souvent l'expression courante d'une injustice entretenue et croissante, mais là aussi où existent au quotidien beaucoup de force, de générosité, d'endurance et de talent, le théâtre, cette vieille et toujours moderne machine à rêver l'homme, reste une porte indispensable ouverte sur un avenir qui doit appartenir à tous.
La décentralisation, dont on célébrait cet été le soixantième anniversaire au Festival d'Avignon, se pratique ici, à Aubervilliers, au présent, chaque jour, dans un contexte fragile et contradictoire qui ressemble parfois à celui qui a vu naître les premières tentatives de ceux qui en ont été les fondateurs : même entêtement, même passion pour inventer un théâtre qui ne prétend pas nier la réalité, mais cherche plutôt à la dire et au besoin à la dénoncer, un théâtre qui n'est pas non plus l'apologie histrionique de la légèreté - fusse-t-elle apparemment insolente - mais qui ne prive pas pour autant de rire et de penser.
Cette décentralisation-là a besoin plus que jamais d'une volonté politique, d'une attention généreuse, d'une reconnaissance incontestable et de moyens accrus pour accomplir une mission complexe indispensable et peut-être plus nécessaire qu'ailleurs: là où l'art est un effort, il est le gage du progrès avant d'être celui du seul bien-être.
Trois ans donc pour rester vigilants, pour résister à l'éventuelle dégradation des idées et des ambitions qui nous animent.
Trois ans pour continuer à vous raconter des histoires tristes ou drôles, douces ou cruelles, en forme de miroir à refléter nos craintes et nos espoirs.
Didier Bezace