Rien serait, dit-on, une des formes les plus accomplies du bonheur, paisible, exempte de joies et de souffrances ; un genre de félicité durable' qui s'écoule, s'étale, s'immobilise et touche presque à l'éternité. Contrairement à ce que pourrait laisser entendre la syntaxe, mieux que rien n'est pas un supplément de cette tranquille et presque divine extase, mais l'inverse exactement : une forme de dopage, une pause pour reprendre son souffle, une ruse bien humaine qui consiste à regarder plutôt la distance parcourue que celle à parcourir; c'est la base d'un contentement élémentaire que s'accorde notre humanité moyenne danssa course au bien-être. Par où l'attraper? par tous les bouts, la chance, le hasard, l'obstination, la cruauté, l'aveuglement. Lui courir après c'est peut-être déjà en soi une forme de ce bonheur impénitent qui nous agite et nous fait vivre avant même de nous rendre heureux.
Et puisque le théâtre fut de tout temps le lieu privilégié de ce ressassement obsessionnel, il nous a paru possible de réunir sous cet emblème modeste les auteurs qui vont nous accompagner durant toute la saison. Chacun à leur manière, ils nous parlent de lutte, de naissances, d'espoir - parfois mal récompensé - d'accomplissement impossible ou simplement d'absurde et inconsciente gaieté. Ils restent, comme tous les poètes, les précieux témoins d'un perpétuel questionnement sur ce qui nous pousse à marcher. Vers quoi? ...
Ajoutons qu'ils sont contemporains et le plus souvent inconnus. C'est une raison supplémentaire de compter encore une fois sur votre fidélité et votre goût d'un théâtre qui cherche obstinément à mêler plaisir et découverte.
Didier Bezace